Une nouvelle ère.

France, Aquitaine, Pau 1436

Aurore était sur son lit de mort, à l'agonie, rien n'y faisait elle semblait toujours plus s'enfoncer dans les abysses. Un mal l'avait prise soudainement sans aucun signe avant coureur et toute sa famille et ses proches pleuraient sa future disparition. Les gens venaient de loin pour lui faire leurs adieux, lui raconter à quel point elle était importante pour eux, que la lumière de sa famille ne serait plus la même sans elle, que dans l'adversité elle était quelqu'un sur laquelle on pouvait compter. Du moins, tout le monde était venu sauf quelques uns qui discutaient bruyamment dans une pièce voisine.

Anne-Jeanne Pozitiv étant de la même famille qu'Aurore, la voir dans cet état la rendait malade. Elle savait que si rien n'était fait, leur glorieuse famille trépasserait dans la douleur. C'était le soucis des chefs qui disparaissaient, cela semait discorde et trahison, et Anne-Jeanne n'était pas prête à voir la fin de leur belle lignée. Elle convoqua une famille parente afin d'unir leurs forces et surmonter le drame à venir. Aeris Elanor et Depagne Alexia en étaient les déléguées.

-Bonjour, je suis heureuse de vous savoir là.

-Rien de plus naturel, Aurore est notre amie depuis bien longtemps. Lui répondit Alexia et Elanor acquiesca.

-Vous savez pourquoi je vous ai demandées aussi j'irais droit au but : voulez vous rejoindre notre famille ? Nous formerons une grande lignée face à laquelle personne ne pourra se dresser.

Un silence s'installa et de lui découla une vague tension. Elanor prit la parole.

-Vous rejoindre impliquerait de diviser notre sang, nous ne pouvons pas nous permettre ça. C'est bien trop soudain.

-Trop soudain ? Mais vous voyez bien ce qui arrive ! Avec la nouvelle de la mort d'Aurore, nos ennemis vont s'unifier et infiltrer la nation, des révoltes commencent déjà, l'Union Royale est en marche et d'autres familles incitent le peuple à prendre les armes. Vous savez comme moi qu'il ne s'agit là que de poudre aux yeux et que toutes les promesses qu'ils font sont intenables, mais le fait est que leurs forces militaires appuyées par la population risquent bien de nous destituer durablement.

-Nous sommes au courant, mais nous ne vous rejoindrons pas, nous avons déjà à combattre dans nos régions pour endiguer d'autres familles concurrentes. Vos préoccupations ne sont pas les nôtres, je regrette. Ce mal étrange a aussi frappé certains de chez nous et nous avons pour obligation de veiller à leur survie.

-C'est ainsi que vous célébrez notre alliance ? Vous vous détournez de nous alors que nous sommes dans la détresse, alors même que nous vous protégions hier ?

-Nous sommes désolées, Anne-Jeanne, mais la décision nous appartient et elle a été prise. Nous espérons qu'Aurore vivra. Alexia sortit alors, accompagnée par Aeris, laissant leur hôte fulminer seule dans la pièce.



Les semaines qui suivirent n'apportèrent aucune amélioration à l'état de santé d'Aurore et ses gens commençaient à désespérer de la revoir vivante un jour. Cependant, Pozitiv n'avait pas laisser le temps faire son travail quand à la sape de sa famille et avait poursuivi ses recherches d'alliances. Les Aigles Royaux, une fière lignée de combattants et de nobles, acceptèrent l'adoption et ainsi formèrent une nouvelle famille encore plus puissante. Les Pères du Pauvre, lignée initiale d'Aurore et Anne-Jeanne fut baptisée Paugle en l'honneur de cet événement. Pendant près de cinq jours, des festivités propres à soutirer aux gens leurs malheurs se tinrent à Pau, célébrant cette union.

Des personnalités importantes comme Richard de Frontignac ou la Princesse Maëlys Thella vinrent d'Agen pour manifester leur implication. Ils furent reçus en grandes pompes et la population acclama ces gens autant par l'appréciation des fêtes que par le nom glorieux dont ils jouissaient. Personne ne doutait qu'avec une telle force cette nouvelle famille serait en tête de la nation, choisissant leur Roi et leurs gouvernants à leur guise.


Une autre famille avait par ailleurs été conviée au rassemblement des sangs, outre celle d'Aeris et Alexia, mais celle-ci ne participa pas à la célébration, ni ne répondit par l'affirmative à la demande de la grande Pozitiv. Elle n’encourut pourtant pas son courroux. Ces hommes et ces femmes répondaient sous le nom des Coquins et n'étaient pas à proprement parler des personnes à qui l'on demande une parfaite tenue. Ils étaient à la fois rustres et agressifs, n'ayant pour amis qu'Aurore et son sang. Paugle savait que les Coquins ne rejoindraient pas leurs rangs, ils étaient trop farouches pour se laisser ainsi museler. Leur Duc Aillas Taunt n'était le type d'homme à qui l'on impose une décision ou que l'on apprécie avoir dans le dos.

Dans leur ascension, les Coquins n'avaient connu que le sang et avaient traité avec les Pères du Pauvre dans l'optique de toujours combattre plus avant, s'assurant par cette alliance une inépuisable quantité d'adversaires. On ne parle pas de noblesse ou d'honneur quand on côtoie ces gens, pourtant une loyauté réciproque avait fini par mûrir entre les deux familles.


En 1436, la paix avait été assurée pendant des années par une politique menée de main de fer sous la tutelle des Pères du Pauvre et des Saintes. Pour le manant, il n'y avait pas de guerre à redouter en ces temps et seules quelques villes étaient soumises aux tourments de montées ambitieuses de familles prêtes à tout pour s'emparer du pouvoir. Les choses se passaient dans la flegme et c'est sûrement cela qui causa une brèche dans le cœur des Pères. Quand on est assuré de régner pendant des décennies sans s'inquiéter de l'émergence de nouvelles puissances, on fini par se demander si se battre est un réel besoin.



Taunt avait de bons rapports avec Aurore, cependant, il s'abstint de prier Dieu de la lui rendre et de l'épargner de la peine. Il lui rendait visite, lui apportant chaque fois des nouvelles de Bayonne et des gens qui lui étaient proches. Nayima, sa plus proche amie, le suivait chaque fois lui soutenant qu'elle ne l'entendait pas, qu'il ferait mieux de déposer une offrande que de lui parler comme si elle était consciente. Elle ne faisait pas ça pour le détourner mais elle trouvait étrange son attitude et préférait le voir s'adonner à d'autres activités. Ce scénario se poursuivit pendant des semaines, chaque fois Taunt venait porter des nouvelles à l'infirme qui dans on lit ne bougeait pas.